samedi 26 juillet 2008

Vamp de Christian Mistral - Un Extrait

Si vous êtes lecteurs-lectrices de mon blogue, vous avez remarqué que j'ajoute presque toujours des extraits des livres que je lis. Pourquoi? Je trouve que c'est dans la description, d'un sujet, d'un objet, d'un paysage, d'un personnage, d'une personne et parfois une banalité (la façon de présenter), que l'on apprécie et que nous devenons des inconditionnels d'un auteur, et je pourrais même dire d'un chanteur, d'un poète, etc, etc.

Alors, cette semaine quand j'ai commencé à lire Vamp, dès la première page, la description de Montréal, j'en suis encore bouche bée! Alors je partage avec vous cet extrait poétique et un peu cru de Montréal (que j'ai adoré):

J'aimais Montréal, j'en étais fou. Je la baisais insolemment sur toutes ses bouches de métro; nous étions des dizaines de milliers à imprégner ses entrailles d'une aube à l'autre et la belle en vrombissait de plaisir. Elle n'était pas de ces intouchables hautaines et froides. Elle était souple, nerveuse et douce, invitant les masses à disposer d'elle. Je la foulais aux pieds avec le souverain mépris, la passion bestiale des amants mytiques. Il fallait la sentir frissonner sous le balai venteux de l'hiver ou suer à lourdes gouttes d'averse chaude en été, se farder les joues de pourpre et de safran l'automne et engraisser insouciamment dès l'orée du printemps, pour vraiment se pénétrer du charme ravageur de Montréal. A comparer à Québec, on y courait dans les rues; auprès de New York, on s'y traînait à genoux. Elle avait son rythme respiratoire unique et traversait la vie au petit trot, comme une fière jument jeune mais sage. Ses bras humides des eaux fluviales formaient l'arche hospitalière de verre et d'acier à l'ombre desquels poussaient des talus de bicoques, elle n'était ni grande ni petite, ni humble ni majestueuse; elle ne faisait qu'embellir comme une jolie jeune fille saine et robuste lâchée dans la campagne. Le monde entier la connaissait, elle appartenait à l'univers des cités adultes et y tenait son rang avec dignité. On y traitait de grosses affaires, et de petites, très propres ou très sales ou entre deux teintes, des mégaprojets aux combines louches; on y brassait de l'argent et la consommation, ce nerf des villes, y était un art de vivre. Maîtresse peu exigeante qui s'offrait à nos vices. Mère chaude et rassurante, que nous quittions pour y mieux revenir. Formidable pôle d'attraction ou, de tous les coins et recoins du pays, nous étions venus nous agglutiner, nous fondre dans l'anonymat électrique le temps de trouver comment conquérir, qui la fortune et la gloire, qui le simple et lointain bonheur de vivre.


La Tourneuse de page

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